Green sand beach et Footprints trail

S’il est un site aux caractéristiques rarissimes à Hawai’i, c’est bien Green Sand Beach : la plage de sable vert de Papakōlea. Il n’y a de par le monde que trois autres plages de sable vert : une sur l’ile de Guam, une en Norvège et une aux Galápagos. Alors inutile de dire qu’on ne va pas rater celle-ci !

Footprints trail : une petite randonnée vers un site historique

Il faut un peu plus d’une heure pour aller au sud de l’île, là où se trouve cette fameuse plage. Sur la route, nous allons faire une première halte, à quelques kilomètres du départ, pour aller voir des traces de pas humains imprimés dans la roche depuis les temps anciens…

L’endroit est sec, quasi désertique. D’ailleurs si on poursuit la randonnée on arrive au Ka’u desert, dont les paysages, les roches stériles et les amoncellements de sable rappellent plus ce que l’on imagine de Mars que de la Terre… Nous marchons sur un petit sentier tracé sur des vieilles, très vieilles coulées de lave « cordée » : elles rappellent les cordes lovées par les marins sur le pont des navires… Comme toujours dans ces parages, le peu de végétation s’arrache de la roche avec une surprenante vitalité. Une petite construction héberge quelques panneaux qui nous apprennent l’origine du site.

Un peu d’histoire :

Au tout début du 16e siècle, le sommet du volcan s’est effondré. Une vaste dépression de plus de 600m de profondeur s’est formée. Elle constitue l’actuel enclos extérieur le long duquel sont construites les installations du parc : le visitors center, le musée Jaggar, le Kilauea Lodge, etc. Cette catastrophe a détruit toute vie aux alentours, mais rapidement les hawaïens sont revenus s’installer à proximité. Et durant presque 300 ans ils ont vécu ici, aux abords des volcans. Malgré les éruptions, les coulées de lave, les explosions, les tremblements de terre. C’était leur environnement, ils avaient appris à vivre avec. Ici, un sentier reliait deux villages, et était parcouru par les habitants qui, probablement, commerçaient entre eux.
En novembre 1790, alors même que le Kilauea était au repos depuis longtemps, les habitants sentaient que la déesse Pélé avait faim, et allait s’exprimer. En effet, de terribles tremblements de terre ont secoué toute l’île avec violence, et des explosions terribles ont projeté pierres et cendres tout autour de la caldeira. Mais les habitants ont continué leur vie, empruntant toujours le sentier que nous parcourons aujourd’hui.
C’est alors qu’une énorme colonne de cendres et de fumée s’est développée au-dessus du cratère du Kilauea. A plus de quinze kilomètres de distance, les villageois pensaient probablement être hors de danger. Mais l’éruption s’est poursuivie, transformant le jour en nuit, remplissant le ciel d’éclairs. La pluie s’est mise à tomber. Mais une pluie de boue, de cendres : de quoi terrifier tout le monde aux alentours.
Puis le ciel s’est éclairci : les habitants ont nettoyé la boue qui les avait recouverts, repris leurs activités, rassemblant leurs affaires pour poursuivre leur chemin. C’est alors que du sable et des rochers sont tombés du ciel. L’effondrement de la colonne de cendre s’est abattu sur eux, à l’instar de la coulée pyroclastique qui a enseveli Pompei. Sans ensevelir la population, comme en Italie, cette cendre humide a recouvert le paysage, puis s’est solidifiée en une croute de roche solide dont des surfaces entières ont perduré jusqu’à aujourd’hui. C’est sur cette surface visqueuse que les traces de fuite ou de déplacements ordinaires des habitants sont restées gravées à jamais.

Un peu plus de 500 empreintes ont été référencées ici, mais le sentier aménagé actuellement n’y conduit pas, afin de les préserver des visiteurs. Seul un moulage de ces traces de pas permet de se faire une idée des vestiges historiques qui se trouvent ici…

Les empreintes de pas gravées dans le sol depuis des siècles
Il y a quelques siècles, un adulte et un enfant sont passés par ici. Sans courir, et donc sans peur. Une trace indélébile gravée dans la roche…

Nous reprenons la route vers le sud. Un immense incendie de broussailles s’étend entre la route et l’océan. Nous ne le voyons pas mais la fumée blanche qui remplit une partie du ciel est révélatrice. Nous sommes à la fin de l’été, les risques d’incendie sont majeurs sur les côtes ouest de toutes les îles de l’archipel.

La région est très venteuse ici. Les alizés, qui touchent Hawai’i par le nord-est, s’écoulent sur la pointe sud-ouest avec vigueur, toute l’année. Quelques éoliennes ont d’ailleurs été implantées ici, pour satisfaire à la « mode » des énergies vertes. Mais il y en a peu, tant les espaces protégés et les parcs d’État ou Nationaux sont nombreux ! Un autre indicateur de l’origine du vent dominant est la forme des arbres. Ils sont tous très fortement courbés, sculptés, forgés par les souffles de l’air…

Arbre poussant de façon étrange à cause du vent permanent
Les épineux sont les seuls arbres adaptés à l’environnement aride de la côte ouest de Hawai’i. Ils sont balayés par les alizés et poussent ainsi, de travers…

Nous sommes dans une région d’élevage, et les ranchs délimitent leurs propriétés avec des kilomètres de fil barbelé. Quand celui-ci est usé, il est juste roulé en boule et laissé au coin d’une parcelle…

Green sand beach : un accès qui se mérite

Nous arrivons au parking : il reste environ trois kilomètres à parcourir à pied pour atteindre la plage. Ici, les locaux ont installé un petit commerce probablement fort lucratif. Pour quelque monnaie ils vous emportent sur d’improbables pickups 4×4 pour un aller-retour d’une heure ou deux. Il y a quelques années l’État avait interdit cette pratique, tant elle endommage les sentiers. Mais ici la liberté prime sur la réglementation…

Nous avons prévu beaucoup d’eau, de bonnes chaussures, quelque-chose à manger, alors nous voilà partis.

Les énormes ornières des pistes d'accès à grren sand beach
Les pistes des 4×4 sont parfois tellement défoncées qu’on imagine mal les véhicules qui ont pu provoquer de tels dégâts !

Une Jeep qui emprunte la mauvaise piste à green sand beach
L’exemple du touriste inconscient de ce qu’il fait. Le chemin à sa droite est praticable, pas celui-ci !

Chaussures jaunes de poussière pendant la randonnée vers Green Sand Beach, sur Big Island, à HawaiiLe sentier est facile à suivre tant il est parcouru par les 4×4 des locaux. Il est même très largement défoncé par endroit. Les ornières sont impressionnantes : les touristes qui s’aventurent ici avec leurs Jeep Wranglers de location n’imaginent pas ce qui les attend. La Jeep peut franchir tout ça sans problème. Mais le conducteur citadin, c’est autre-chose ! La terre ici est de couleur jaune. Le sable qui recouvre le sentier est parfois si fin qu’on dirait de la farine : un frai « fesh fesh » hawaïen ! D’ailleurs les chaussures, noires à l’origine, ont visiblement opté pour une nouvelle couleur plus en accord avec la nature environnante !

Nous longeons la côte rocheuse : c’est un peu plus long que de prendre tout droit dans la pampa, mais c’est aussi plus sympa. On peut déjà remarquer, quand on est attentif, qu’un peu partout sur la roche il y a de petits amas de sable de couleur verte. Emporté par le vent ou omniprésent autour de nous ?

Sable jaune, roches noires et océan turquoise en allant à green sand beach
C’est le début de la randonnée. On le sait à cause de la couleur des chaussures, encore noires !

Green sand beach : une petite plage bien protégée

Enfin nous arrivons à proximité de Green sand beach (plage de sable vert, littéralement), dont le nom local est Papakōlea beach. Et effectivement, même s’il n’est pas vert criard, le sable semble y être d’une teinte très inhabituelle. La descente vers la plage est un peu acrobatique mais nous conduit sur une toute petite plage battue par les vagues océaniques. Un vrai havre de paix…

Green sand beach, au fond de sa petite baie
Une vue d’ensemble de la petite baie qui abrite Green sand beach
Green sand beach vue du haut des falaises
Vu d’en haut des falaises, l’accès à la plage semble délicat.

La falaise qui entoure la plage est formée d’innombrables couches empilées les unes sur les autres. Autant de coulées de lave très, très anciennes, de toute évidence. Et à l’origine de la couleur verte du sable de la plage. La lave du Kilauea est riche en olivine, un cristal de couleur vert olive. L’érosion décompose la roche depuis la nuit des temps, et en sépare les constituants de base. Comme ici la roche est riche en olivine (et c’est un hasard…), et qu’elle est relativement lourde, elle s’accumule au pied des falaises. D’ailleurs on peut voir ce sable si particulier s’écouler des falaises, lentement…

Nous allons passer un bon moment ici. L’océan est tentant : s’y baigner nous rafraîchirait bien, mais on n’a pas prévu d’y faire trempette…

Il est temps de rentrer : cette fois-ci nous choisissons de « tirer tout droit », parmi les nombreux chemins empruntés par les 4×4 locaux. Et c’est couverts de poussière jaune, chauffés par le soleil et saoulés par le vent que nous rejoindrons le parking. Là, les chats et les mangoustes explorent le campement, presque déserté par les locaux. Il ne manque que les poules et les chèvres pour que le tableau des animaux « sauvages » de l’île ne soit complet !

Une manguste qui travers la piste
La mangouste n’est pas native de Hawai’i, et c’est un ravageur terrible…

Les chaussures, noires à l’origine, jaunes il y a quelques instants, sont devenues bicolores une fois tapées sur le sol. Retrouveront-elles leur couleur d’origine ? C’est un mystère…

Au final, c’est une belle balade qui vaut largement la peine d’être parcourue à pied. On n’a pas tous les jours l’occasion de fouler une plage de sable couleur olive…

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À méditer…

Voyager vous laisse d’abord sans voix, avant de vous transformer en conteur.

Ibn Battuta