La Grande Motte – Minorque

Première étape de notre grand voyage

237 NM (439 km), 48 h dont plus de 26 h au moteur, 4,9 nœuds en moyenne

Le texte qui suit est pour l’essentiel extrait de mon journal de bord.

mardi 29 septembre

Le vent est léger, 11 nœuds du SSW quand nous établissons les voiles, à la sortie de LGM. La mer est quasi plate, il fait un peu moins de 20° dehors, le ciel est dégagé, le départ de ce grand voyage s’annonce bien : cap au 177. Nous avançons entre 5 et 6 nœuds, avec un vent apparent à 50° tribord : tranquille et confortable.

Jasmin sous voiles : la mer est a nous

Nous déjeunons vers 15h : poulet rôti pris à LGM ce matin et pommes Dauphines : ça fait du bien.

 

Un bon repas avant la nuit

Grisette est planquée sous une couverture dans la cabine arrière bâbord, qui va ainsi devenir sa « maison » pour ce voyage…

 

Grisette dans la "cabane" que Béa lui a aménagée
Béatrice profite encore de son accès à Internet via la 4G...

16h30 : le vent tombe entre 4 et 6 nœuds, toujours au bon plein/travers : notre vitesse a chuté à 2/3 nœuds. A ce rythme je pense que le vent tombera à zéro d’ici une ou deux heures au maximum… Le ciel est bleu, un peu gris en altitude, la mer est toujours plate, nous ressentons une légère houle de travers. J’ai réglé le pilote automatique sur une réponse « faible », il travaille peu.

J’ai oublié d’installer l’hydrogénérateur : je sais par expérience qu’à moins de s’arrêter totalement il sera impossible à mettre en place. Tant pis.

Béatrice s’habille chaudement, elle va faire un premier quart : je vais aller me reposer pour préparer la nuit qui vient…

 

Premier coucher de soleil

18h30 : Béa m’appelle, elle pense avoir fait une bêtise. Elle a coupé le pilote et a barré quelques minutes en déviant un peu à gauche de notre route vers Minorque. Le vent avait tourné un peu, elle cherchait juste à conserver le même réglage des voiles. Quand elle a réactivé le pilote en mode « suivre l’itinéraire », Jasmin a viré sur tribord en lofant. Les voiles ont faseyé, elle a repris la barre et m’a appelé…

C’est normal : le pilote ne se soucie pas du vent ni des voiles quand on lui fait suivre un itinéraire. Il a donc cherché à reprendre sa route au plus vite, en virant très franchement : on pourrait imaginer, comme le font nos GPS de voiture, qu’il recalcule sa route à partir du moment où on le remet en service. Mais ça n’est pas le cas. Après quelques explications sur ce phénomène je suis redescendu somnoler 30 minutes, avant de m’habiller chaudement pour la nuit, en salopette et verste de quart. Grisette a mangé un peu et est montée avec nous un moment. Le soleil s’est couché…

Devant nous, à l'opposé exact du coucher de soleil, la quasi pleine lune se lève

20h30 : Béatrice est descendue dormir. Je redescend Grisette qui refuse de rester sur le lit avec Béa.

Dehors, je loffe un peu pour passer de 60° à 45° du vent, qui est bien faible. Il baisse, remonte, rebaisse…

20h50 : 42°51.090N, 4°21.759’E, VA 11kts, SOG 5,6kts, cap 181°, ciel étoilé, mer calme…

22h15 : J’ai fait quelques essais de récupération de la météo avec l’Iridium Go ! Ca fonctionne très bien. D’après les prévisions le vent devrait baisser entre 1h et 2h.

La lune est presque pleine, la nuit est belle… J’ai basculé les instruments en mode « nuit », éclairage en teintes de rouge, et j’ai activé le radar. Rien d’autre à signaler, le vent tourne autour de 11 nœuds, nous filons encore 5 nœuds, je suis revenu à 60° du VA, voiles bordées à plat. Il reste 170NM à parcourir jusqu’à Mahon, ce qui nous prendra 34h à cette vitesse.

Éclairage rouge la nuit, c'est plus reposant pour les yeux

PredictWind nous fait arriver à 2h du matin à l’entrée du fjord de Mahon. Si on faisait route au moteur nous arriverions à peu près à la même heure. Si nous poursuivons à la voile je peux retarder un peu notre arrivée pour entrer dans le fjord de jour, au petit matin…

23h30 : RAS. Un cargo fait route devant nous, à 15NM sur bâbord, le vent est toujours là, à 10kts, nous avançons toujours à un peu plus de 6 nœuds. J’ai un peu ouvert les voiles, elles sont mieux réglées, nous avançons un peu plus vite.

42°36.432N, 4°26.344E, au bon plein, il reste 162NM à parcourir.

Béatrice vient me relever…

Une nuit bien remplie

Le quart de Béa a été plus long que prévu…

Vers 1h30 elle m’appelle à la radio (nous avons deux talkie-walkies HF longue portée allumés durant les navigations de nuit : un avec celui qui assure la veille, l’autre à côté de celui qui sommeille). Je dormais bien, mais d’une oreille attentive. Un pétrolier sur tribord pourrait être sur une trajectoire de collision avec nous !

Toujours en bas, allongé, je regarde sur l’iPAD : je recopie dessus l’affichage du traceur de Jasmin. Je pense que le bateau en question va nous passer derrière. Il n’est pas très loin Béa me dit qu’il se rapproche vite : elle est manifestement inquiète. Je me rhabille donc et je sors voir tout ça pour la rassurer.

Le tanker est sur notre travers tribord, aucun risque de collision, il suit une route parallèle à la nôtre. Vert sur vert, tout ça…

Je regarde dehors, je vérifie les infos AIS : il va à Fos. Il suit en effet une route qui croise la nôtre, mais il nous a vu depuis longtemps et a très légèrement dévié pour nous éviter. Il est déjà loin derrière nous…

Le vent a baissé mais on avance encore. Je redescend, me déshabille et me recouche.

Un bruit sourd se fait entendre. Répétitif. Pas normal !

Je me rhabille (encore) : il est 2h1/4, et je vais voir. C’est juste la balancine de GV qui est un peu relâchée et qui cogne dans le mât ! Je la reprends un peu, le bruit disparaît.

Béatrice m’octroie 1h de sommeil en plus pour palier ces réveils, alors je me recouche jusqu’à 3h1/4.

Quand je ressors, le vent est tombé sous 4kts. Nous avançons à moins de 2kts. La mer est d’huile, pas une risée sur la surface. Le temps que Béatrice descende se coucher les voiles faseyent : nous allons si lentement que le pilote passe son temps à corriger la route, et qu’il passe régulièrement bout au vent (face au vent). Je commence à préparer la rentrée du génois, Béa revient m’aider.

3h40 : moteur, pas trop vite, 5kts. Je veux éviter d’arriver de nuit. Il reste 145NM à faire, 5 5kts ça nous prendra 30h, c’est-à-dire le temps qui était prévu sous voiles, si le vent s’était maintenu. ETA (l’heure d’arrivée estimée) : entre 7 et 9h jeudi matin.

4h : 42°18.075’N, 4°33.876E, on descend doucement…

4 nœuds de vent...
5 h 40, le soleil se lève

7h15 : Béatrice se lève, donne à manger à Grisette et me relève. Rien à signaler.

42°01.292N, 4°32.314E, toujours pas de vent, 5kts au moteur.

J’ai fait le quart par tranches de 30 minutes de repos en demi-sommeil, entre des moments de veille active visuelle. Les conditions sont parfaites, la navigation est tranquille, il n’y a personne autour de nous…

Le soleil se lève, il fait frais et humide, il est temps pour moi d’aller dormir un peu.

Mercredi 30 septembre

9h1/4 :  réveil. Il fait beau, frais dans la cabine mais déjà bon dans le carré : le soleil réchauffe vite. Habillage, petit tour dehors : rien à signaler. Quelques risées sur l’eau, mais vent faiblard…

Petit déjeuner dehors, vaisselle, rangement. Grisette s’est remise dans sa « cabane », sur le lit de la cabine arrière bâbord. Elle ne mange pas…

J’ai pris la météo ce matin vers 7h : il est prévu un retour du vent vers 14/15h, secteur SE, puis vent dans le nez !

14h45 : j’ai installé une première version des lignes de pêche, avec deux types de leurre différents, deux fils différents. Le plus gros s’emmêle fortement dès que je libère le frein pour laisser filer la ligne : je ne dois pas vraiment m’y prendre comme il faut. Il me manque des crochets, des émerillons, plein de petits trucs…

Mise à l'eau (infructueuse) des lignes de pêche

Nous sommes toujours au moteur, il n’y a toujours pas de vent. Restent 89NM à parcourir, ETA vers 9h demain matin. Le ciel est bleu, la mer est belle, quelques nuages au loin.

41°20.534N, 4°28.580E

15h30 : un minuscule oiseau est venu se poser près de nous, et a même fait une petite visite à l’intérieur de Jasmin. Curieux de voir ce petit oiseau si loin des côtes !

Grisette, à peine dérangée par la présence du volatile...

17h45 : on a mangé un tajine aux abricots acheté hier avant de partir. Et on est repassés sous voiles !

VA 8,4kts, bon plein, SOG 4/5kts, 75NM à faire, ETA 15h. 41°08.433’N, 4°27.381’E

Le vent devrait retomber d’ici quelques heures, on repassera au moteur pour tenter une arrivée dans la matinée.

18h45 : on se traîne ! Le vent est mou. Si on continue, on arrivera demain soir, de nuit, ce que je voudrais éviter. Le vent devrait se renforcer dans la nuit, il sera toujours temps de repasser sous voiles. En attendant, je remets le moteur en marche. 1700tpm, 5,5kts : ETA 7h40 !

19h : Béatrice a organisé les quarts ainsi

19h-22h Stéph, 22h-1h Béa, 1h-4h Stéph, 4h-7h Béa, 7h et jusqu’à l’arrivée : Stéph. On adaptera dans la nuit selon les conditions et le vent.

Encore 68NM à filer, 41°06.150N, 4°28.000E, mer calme, légère houle SSW. Le soleil va bientôt se coucher.

21h45 : RAS durant le quart, ETA 8h, encore 56NM à faire. C’est la pleine lune, il n’y a personne autour de nous. Pas de vent, mer calme, la GV est toujours sortie. Béa ne devrait pas tarder à me relever…

Repas nocturne pour Béatrice

1h : je relève Béatrice à mon tour. Elle a sorti le poulet et le taboulé du frigo : quelle escellente idée, j’ai faim !

Après avoir mangé je reste un peu à vérifier le bateau et son environnement et je fais une pause de 30 minutes. Vers 2h je vérifie les mails Iridium, JeanPhi a répondu à monn message de test de ce soir : super !

Nous approchons de Minorque : je vois le feux de la pointe de Fornells

Vers 2h30 je constate que nous avons un petit vent qui s’est rétabli devant nous, qui nous a bien ralentis. L’heure prévue d’arrivée est passée en fin de matinée.

Je peux pousser un peu le moteur, je peux aussi tenter une remise sous voiles…

Béatrice est en bas, il y a 12kts de vent, j’essaie. A la manivelle, en douceur, je déroule le génois. Un peu. Un peu plus : c’est OK, je sors tout le génois. Il est 3h. Je coupe le moteur, le silence revient enfin. Nous avançons encore entre 5 et 6 nœuds, dans 11 à 15 nœuds de vent à 45° du vent apparent : l’ETA repasse à 10h ! Je pense rester me reposer sur le pont durant le quart de Béa, elle sera rassurée.

4h : Béatrice est mécontente. L’établissement des voiles l’a réveillée, elle n’a pas pu se rendormir…

Je descend dans le carré dormir un peu : il y fait chaud…

Presque 6h, dernier lever de soleil avant l'arrivée

6h : une rafale, Béa demande de l’aide. Le vent est passé à 15kts, on réduit un peu la GV et le génois. On avance encore entre 4 et 5 nœuds mais on s’éloigne de notre but : le vent vient très exactement de notre point d’arrivée !

On tente un virement pour se rapprocher de la côte, toujours à 45° du VA, mais ça n’est pas concluant. En enchaînant des bords nous risquons à nouveau d’arriver après le coucher du soleil.

En désespoir de cause  je rallume le moteur : la sérénité et le détachement du marin, ce sera pour plus tard… cap direct sur Mahon, arrivée de nouveau prévue vers 9h.

7h30 : le vent apparent monte encore, c’est la vitesse donnée par le moteur qui biaise les choses. VA : 20kts !

jeudi 1er octobre, arrivée à Mahon

J’essaie de voir s’il y a des places en marina : pas simple. Finalement mon quart de repos a été bien occupé.

L’approche de Mahon se fait sans problème, vent dans le nez, vagues de face. Pas très confortable. Il fait doux, le ciel est dégagé, le vent forcit déjà…

Dans le fjord je contacte la marina la plus proche des commerces : pleine ! Marina Minocra me propose une place au fond du fjord avec toutes les commodités : 120€ la nuit. Ou bien une place sur les pontons flottants au milieu du fjord, avec juste eau et électricité, pour 80€ la nuit.

J’opte pour les pontons : ce sera l’occasion de tester notre nouvelle annexe ! J’espère que son moteur fonctionne…

On tourne en rond près d’une heure à attendre les marineros : ils nous avaient oubliés ! Quand je les rappelle ils me proposent de choisir ma place le temps qu’ils arrivent. Les pontons sont presque vides : seulement 7 voiliers sur les deux ilots…

Je repère une place un peu abritée par un autre voilier, vent de côté pour la manœuvre. J’évite le vent de face, qui me pousserait sur le ponton… La manœuvre reste délicate, il me faudra deux tentatives. Les marineros arrivés entretemps récupèrent nos amarres arrières. L’un d’eux me passe les pendilles que je vais frapper sur les taquets avant : pas de propulseur cette année !

Ca y est, on est en place !

Le reste de la journée est consacrée au petit déjeuner, à la réparation d’une fuite d’eau, au nettoyage intérieur/extérieur.

On descend l’annexe avant de tendre les amarres, on y installe le Honda 15CV. Je branche la batterie, l’essence, j’actionne la poire pour mettre le carburant en pression. Un coup de démarreur, le moteur se lance du 1er coup. Hourra !

J’installe l’antivol moteur, je fixe la platine recevant les feux de navigation, je nous branche au quai…

La journée passe, on est crevés : douche ? restau ?

Jasmin est en place, l'annexe à disposition

Bilan du trajet et du séjour :

A l’arrivée nous remarquons que la pompe de cale tourne sans arrêt. Il y a de l’eau dans la cale ! De l’eau douce : c’est une fuite !

En réalité nous avons des développements bactériens dans les réservoirs ou dans leurs circuits : les filtres des deux pompes du groupe d’eau, qui mettent l’eau sous pression dans le bateau, sont colmatés ! Le circuit passe alors en surpression, qui engendre une fuite, remplissant la cale, laissant travailler la pompe de cale pour vider tout ça dehors !

La solution : nettoyage des deux filtres métalliques.

Mais ça ne suffit pas : l’un d’eux se colmate peu après.

Seconde solution : Javel dans les deux réservoirs, puis ouverture de tous les robinets pour désinfecter tous les circuits, nettoyage des filtres à chaque obstruction (faciles à identifier, les pompes de mise en pression se mettent à faire un sale bruit), puis rinçages complets, deux fois.

Le problème mettra plusieurs jours à disparaître. Il n’est jamais revenu depuis que nous vivons sur Jasmin.

Nous passons quelques jours à Minorque, en allant manger au restaurant le soir : il fait frais, le temps n’est pas très beau, ça n’invite pas à la visite.

Il est bientôt temps de reprendre la mer pour descendre un peu plus…

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À méditer…

Il faut voyager pour fotter et limer sa cervelle contre celle d’autrui

Montaigne

Les pontons flottants de Mahon