De retour de Hana par la « route interdite »

Quand on vient à Hana, il faut en repartir. Le choix est alors de faire la route en sens inverse, et de découvrir ainsi les lieux et points de vue que l’on n’a pas vus a l’aller. Ou bien de contourner l’île par le sud : un choix déconseillé voire même interdit par les loueurs de voiture et la plupart des guides touristiques. Alors, pour ce retour de Hana, quel sera notre choix ?

Hana en quelques mots

La nuit a été bonne dans notre petit appartement à Hana. Airbnb réserve quelques surprises parfois. Ici, nous étions sur le front de mer…sans pouvoir y accéder. De toute façon, pas de plage ici, juste des rochers sur lesquels les vagues s’épuisent l’une après l’autre. Bref, ce petit appartement sans prétention est au bout du monde, dans une petite ville que l’on ne peut atteindre qu’après des heures de route sinueuse et étroite. Alors on ne s’attend pas à un Hilton. Bonne literie c’est tout ce que nous recherchions, car l’appartement est un peu vétuste. Le ménage n’est pas fait souvent de toute évidence. Le ventilateur est plein de poussières agglomérées, la cuisinière électrique doit dater du siècle dernier. Ou même moins encore. Mais c’est aussi l’appartement où l’accueil a été le plus simple : la porte était ouverte, la clé posée sur le comptoir de la cuisine, notre nom juste scotché sur la porte. Un petit fascicule de quelques pages nous indique les quelques commerces du coin, « la » station essence, les endroits où se restaurer, les plages à voir et celle à ne pas voir. Bref, un petit guide qu’on aimerait trouver dans chaque appartement…

Enfin, après un réveil de très bonne heure (involontaire mais utilisé pour voir le lever du soleil), le lever réel se fera vers 8h, car la journée de la veille a été longue. Un petit déjeuner dans un petit établissement local sur le bord de la baie de Hana : quelques pains perdus au sirop d’érable, du café américain (de la repasse pour certains), et un verre d’eau à 1,2$ (gratuit partout ailleurs, mais ici, on est au bout du monde), et nous voilà partis pour un nouveau périple. Hana n’est pas une ville très développée ni très touristique. Elle est “au bout du monde”, isolée par cette interminable “road to Hana”. Tout s’en ressent. La plage n’est pas très avenante, même si on s’y baignerait volontiers. La digue du port est condamnée en raison de graves problèmes de sécurité. Pourtant le bord de plage est aménagé : des tables, des bancs, des barbecues, tout est présent pour que les familles viennent passer ici de bons moments. Même le club de pirogue semble donner vie à cette improbable petite ville.

Retour par le sud

La route qui repart de Hana, vers le sud, est bordée de verdure : la côte au vent est arrosée à longueur d’année, la nature y est généreuse.

On traverse Hana en direction de deux belles plages réputées : Koki et Hamoa.

Bon, ce sont de belles plages, pas très fréquentées (je le redis : on est au bout du monde, les touristes ne sont que de passage), et l’envie de se baigner n’y est pas vraiment.On descend cependant sur Hamoa Beach : nous avons prévu la journée pour profiter des lieux, alors autant aller voir…

Hamoa Beach : l’une des plus belles plages de l’est de Maui

Alors on poursuit : direction Ohe’o gulch, dans le parc national de l’ Haleakalā. Sur la route nous ferons quelques arrêts, comme à Wailua falls.

Plages ou côte rocheuse : à chacun sa préférence

Nous entrons à nouveau dans le parc national de l’Haleakala. On doit donc acheter un ticket ou utiliser celui acquis lors de la montée au sommet du volcan, qui est valide trois jours. J’ai opté pour le ticket « trois parcs – un an » qui nous permet l’accès à Big Island mais aussi à la première randonnée à Kauai. Bref, à l’entrée, la ranger me demande une pièce d’identité pour s’assurer que le « pass » que je lui donne est bien le mien…

Parking, puis direction la petite balade vers les deux bassins inférieurs de Ohe’o Gulch. Sympa, beau, un peu spectaculaire même si en ce moment ça manque un peu d’eau… Depuis 2016 il est interdit de s’y baigner.

Ensuite, après avoir changé de chaussures et refait le plein d’eau, c’est parti pour Pipiwai Trail, une randonnée de 2h qui nous conduira à une immense chute d’eau : Waimoku falls. Waimoku signifie “l’eau qui n’a pas d’amis”. C’est un rappel du fait qu’en dessous de ces chutes d’eau il y a souvent des chutes de grosses pierres, des inondations flash, des débris de toutes sortes. Et qu’au bout du compte l’eau peut nous écraser, nous blesser, nous mutiler, nous tuer…

Le chemin se fait sous les ombrages des arbres, puis dans une impressionnante forêt de bambous. Mais la balade vaut l’effort d’aller au bout…

Une heure pour le retour, on remplit à nouveau les bouteilles d’eau et nous choisissons de rentrer par la côte sud.

Le retour par la côte sud est très fortement déconseillé par les guides de voyages, les sites Internet. La plupart des loueurs de voiture, dit-on, en interdisent même l’accès à leurs clients ! Les raisons sont multiples : aucune ville ni assistance possible sur une bonne cinquantaine de kilomètres, une route très étroite, mal entretenue, des risques d’éboulements, la nécessité d’utiliser un véhicule 4×4, etc. Tout est réuni pour décourager le touriste lambda. Mais pas nous ! Nous voulons voir à quoi ressemble cette route « interdite », et quels sont ces paysages désolés qui ne méritent pas le détour…

Et franchement, nous n’avons pas été déçus. Ô certes, la route est étroite sur la première partie. Très étroite même : le plus souvent on ne pourrait pas se croiser. Oui, le revêtement est en mauvais état, mais c’est du goudron presque partout. Et les rares tronçons bruts sont très largement praticables avec tout véhicule : nous y avons même croisé un cabriolet Mustang rouge vif ! Et en effet, il peut y avoir des risques d’éboulement, mais les traces récentes du glissement de terrain que nous avons croisées hier en venant à Hana par la route nord étaient nettement plus inquiétantes. Enfin, il faut reconnaitre que les locaux, certains d’entre eux du moins, roulent un peu vite : nous avons évité la collision frontale violente à quelques secondes près. Mais ça aurait aussi pu arriver sur la route normale, souvent aussi étroite et sans visibilité.

Donc, une mise en garde exagérée, presque abusive. Mais alors pourquoi tant de « fausses informations » ? La réponse semble claire : cette route étroite et dangereuse ne permet pas le trafic intense que supporte très bien la route nord : il y aurait des accidents tous les jours. Et des accidents graves. Pour les pannes, les garagistes sont aussi éloignés que par la route nord, mais ici on est souvent sur des endroits peu accessibles. Et puis le paysage n’est pas celui que le touriste normal vient chercher ici. Il ressemble par bien des côtés à certaines parties de l’Islande : volcanique, rocheux, vertigineux, aride. La végétation y est sèche, les acacias font leur apparition, l’ombre disparaît : on se croirait dans une savane africaine si ce n’étaient les restes des anciennes coulées de lave, omniprésents. Les paysages sont extraordinaires, magnifiques, rares…

Au final, la partie sauvage de cette route, mal entretenue et parfois sans goudron, ne dure pas très longtemps, et l’essentiel de la route est en parfait état, balisé, avec marquage au sol, etc.

Une autre raison qui explique cette quasi interdiction de circuler est que nous avons été doublés (car nous nous sommes arrêtés très souvent pour faire des photos) par de très nombreux minibus touristiques qui font faire le tour de l’île commenté à des touristes qui ne souhaitent pas conduire. Et je peux vous l’assurer, ce n’étaient pas des véhicules 4×4, ni spécialement adaptés. Non, l’impression est que cette route est « réservée » aux locaux et aux transports commerciaux. Du coup, avoir tenté cette expérience prend encore plus de saveur !

Le retour prendra au final presque 3h, pour parcourir un peu plus de 100km…

Curieusement, le retour à une végétation verte et luxuriante se fera en à peine quelques centaines de mètres, quelque-part vers le sud-ouest de Maui, sans même qu’on s’en rende compte. Passer de la savane presque désertique à la forêt tropicale en moins d’un kilomètre est étonnant !

Le retour de Hana par la « route interdite » vaut vraiment le détour, et rares sont les visiteurs individuels comme nous qui en bénéficient : ce choix était le bon !

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À méditer…

J’adore le sentiment d’anonymat dans une ville où je ne suis jamais allé auparavant.

Bill Bryson